Festival du Cinéma Africain : « Scénario et cinématographies africaines »


FCAK COLLOQUE

Khabar khouribga : Abdelhak ELAZHAR

M-Nour-eddine Sail, président de la Fondation du Festival du Cinéma Africain, lui-même ayant trempé dans le fief des scénaristes et toujours fidèle à son style maïeutique, présida à l’animation de ce thème assez classique du rapport scénario / film, un thème tellement rabâché qu’il est devenu un débat récurrent aboutissant souvent à des réflexions jugées stériles. Ainsi, pour enrichir du thème de ce colloque en écoutant des professionnels qui ont un très grand rapport avec le scénario, M. Sail se fit accompagner par trois intervenants  dont le cinéaste sénégalais Mansour Sora Wade, le réalisateur burkinabé Idrissa Ouédraogo et le jeune réalisateur et scénariste marocain Hicham Lasri.

Sail ouvrit donc  le bal par le fait que si le scénario est une phase très importante comme démarrage de toute  production filmique, le statut de scénariste reste indéniablement éphémère et évanescent. Et pour provoquer intervenants et auditoire, Sail, en réaffirmant que  le scénario n’est nullement une œuvre littéraire, il posa cette interrogation judicieuse et pertinente : « Qui peut lire un scénario ? », rappliquant sur le fait que le scénario est exclusivement destiné à la production d’un film et fatalement livré à des commissions qui ont d’autres soucis que les fantasmes du scénariste.

La parole fut donc donnée à Mansour Sora Wade qui révéla à l’assistance que tous les films qu’il a faits, il leur a puisé des scenarii à partir de contes et de mythologies africaines sur fond d’histoires imagées. Mansour Wade a aussi été tenté par des œuvres littéraires, elles aussi souvent marquées par des histoires imagées. Enfin notre scénariste et cinéaste sénégalais,  reconnut quand même et malgré la fatigue du voyage et les effets de l’émotion et en toute connaissance de cause que le statut de scénariste est périssable.

Hicham Lasri, présenté par Sail comme l’un des meilleurs scénaristes du Maroc, prit à son tour la parole pour se présenter  comme un « soufiste du scénario » et amorça son intervention par le fait que le scénario n’a jamais été la vraie structure d’un film. Pour notre scénariste marocain, la vraie structure d’un film, c’est la magie, la vraie structure d’un film, c’est quand on transcende les mots car, pour lui qui du fait du cinéma punk  dans le sens nietzschéen, « le mot est sanctifié ». Plus, on avance dans le film, dut-il préciser, plus le scénario perd de sa magie pour conclure que le scénario est proche de la simplicité de la musique, de « cette aisance dont on ne voit jamais l’effort ».

 Idrissa Ouédraogo  insista à son tour sur l’importance du scénario, mais il est important pour qui ? Pour notre réalisateur burkinabé, le film passe du produit culturel au produit filmique industriel. Et comme il n’y a pas une seule culture et qu’il n y a pas une seule façon de raconter, des fois quand « je tourne, je ne regarde même pas le scénario »  et donc, pour lui, le scénario, c’est « quand un cinéaste a envie de dire quelque chose ». Et de préciser pour dire que c’est bon de faire du cinéma, mais, il faut que ce soit fait à la base d’une belle histoire, une histoire qu’on a aimée ou qu’on veut élément déclencheur de réflexions ou de simple intérêt. Et comme raconter une histoire, c’est partager, l’histoire qu’on veut raconter doit être « très personnelle » et le scénario doit être « un bon intermédiaire pour que mon très personnel émerge et efface cet intermédiaire ». Ouédraogo dut conclure par le fait que la fragilité du cinéma africain est alarmante et pour lui, le sursaut se ferait par la formation technique, la coopération et l’ouverture sur toutes les écoles pour se fixer sur une trame filmique à mondialiser.

  1. Nour-eddine Sail s’ouvrit donc à l’assistance pour donner la parole à la salle et vu la problématique posée par cette équation scénario / film, l’assistance apprécia à leur juste la valeur des interventions qui apportèrent plus de richesse à ce colloque qui a drainé une large pléiade de professionnels et de critiques et de beaucoup d’amoureux du cinéma en général et du cinéma de notre continent en particulier. Nous nous permettrons de vous livrer les principaux axes soulevés à travers ces interventions :

– Difficultés de passer de l’oralité au filmique.

– Equilibrer entre la beauté et la magie de la création et la dimension commerciale.

– Lever le siège qui opprime la liberté d’expression et qui froisse l’imaginaire et la créativité chez le scénariste.

– Appel à la création d’un institut de recherche sur le cinéma africain.

– Impliquer les tenants du pouvoir dans l’itinéraire des cinématographies africaines car notre imaginaire est toujours sous tutelle.

– On préfère le concept « dramaturgie » à celui de scénario pour des raisons épistémologiques afin de verser dans la dramaturgie complexe.

– Insister sur l’exigence et l’accessibilité pour réussir un bon scénario.

– Editer les scénarii des films africains.

– On n’a pas su inculquer de la foi en nos actes de création.

– le scénario est une feuille de route et le reste, c’est des pinceaux de lumière.

– Faire des films, c’est l’envie de se faire écouter et ce désir n’a pas de frontières.

– Discerner entre le désir de raconter et le désir de conceptualiser.

– Le scénario, c’est « la grossesse de l’idée », mais c’est aussi un itinéraire où « la géographie des personnages » du scénario est très limitée.

– Un vœu : faire du cinéma pour l’humanité et non seulement pour l’Afrique et donc voguer vers l’universel.