Festival du Cinéma Africain 


 

Khabar khouribga : Par ELAZHAR

 

L’intérêt qu’accordent les peuples du monde entier au concept de l’identité émane souvent de ce conflit surtout spirituel qui sévit en nous entre le Moi et l’Autre. En Afrique, cette quête de l’identité se limite souvent à un retour aux origines mythologiques, culturelles ou  même métaphysiques, ce qui se déclenche inévitablement en conflits sur fond d’une certaine légitimation de la violence.

Dans ce conflit aussi complexe soit-il, le cinéma africain peut-il jouer un quelconque rôle de libérateur de cet état d’esprit ou tout simplement de s’engager dans une fonction principale, celle de « décoloniser la pensée » ?

C’est dans cette optique que le Festival du Cinéma Africain de Khouribga vient d’ouvrir un débat, comme il l’a toujours si bien fait, sur le thème du cinéma africain et la question identitaire, un débat pour essayer de repenser cette quête de l’identité à travers un cinéma africain ou une écriture cinématographique qui ambitionne de corriger ou de rectifier le regard de l’africain sur l’Autre et le regard de l’Autre sur l’africain.

Noureddine Sail, président de la FFCAK et modérateur de ce colloque ouvrit le bal pour déclarer non sans conviction que ce thème est « lourd », c’est un sujet qui peut permettre tous les dérapages où on peut se retrouver dans une sorte de brouillard. L’identité, c’est comment être soi, c’est aussi comment s’identifier à un film, comment un film peut-il dire son identité, comment l’identifier lui-même, comment on peut se situer par rapport à cette chose quasi-complexe qu’on appelle identité, dut s’interroger M. Sail pour engager la salle dans cette réflexion sur cette quête de l’identité africaine dans le cinéma.

La parole fut donnée à Gaston Kabore, réalisateur burkinabé et camarade du FCAK, qui exprima un plaisir renouvelé de retrouver ce festival de Khouribga. Notre réalisateur confirma que ce thème de l’identité est quelque chose de gigantesque qui recouvre des notions et des connotations, un mal de quiproquo et de confusion. En effet dut-il préciser, la question de l’identité n’est pas un sujet statique, n’est pas non plus quelque chose qui relève du passé, n’est pas non plus quelque chose qui nous permet d’exclure des gens de notre sphère et n’est pas non plus quelque chose qui nous permet d’être sûrs de nous même. Et notre réalisateur burkinabé de notifier que l’identité n’est pas  une forme de logiciel.

Kabore ne manqua pas aussi de rappeler qu’il n’y a aucune équation qui pourrait définir une identité car plus on est enracinés, plus on est enclin à s’ouvrir à l’Autre. L’exemple du Maroc est éloquent dans la mesure où ce pays a su braver les barrières naturelles du Sahara pour renouer avec l’autre grande partie de l’Afrique, pour montrer que les pays existent afin que nous puissions amener des composantes de ces pays et pour que nous puissions persister dans notre  quête identitaire.

Farid Boughedir, réalisateur tunisien, enchaina dans la même lancée pour évoquer un fait qu’il avait vécu au Burkina Fasso lors de la présentation du premier film burkinabé, la salle était archi pleine et le public suivait le film avec une vive émotion pour la seule raison qu’il était en dialecte burkinabé. J’ai compris, dut –il préciser que le cinéma doit produire ce qu’il voit.

Le réalisateur tunisien s’interféra ensuite dans une comparaison en filigrane entre le cinéma mensonge qu’il qualifia de cinéma de propagande et le cinéma  vérité qu’il qualifia de lumière. Ainsi, dut-il insister, si, dans les années 60, le cinéma africain qui était un cinéma de réaction se trouvait confronté au cinéma colonial, depuis, le cinéma africain se trouve souvent confronté au cinéma commercial ou cinéma mensonge.

En général, le rôle identitaire du cinéma africain dévia vers un rôle effet miroir qui tend vers le mélodrame, vers le cinéma de divertissement, souligna M. Boughedir. Il rappela les mésaventures du cinéma africain dont les identités meurtrières et les identités mythologiques. Ainsi, selon Farid Boughedir, si le cinéma africain est né dans une base économique colonisée, son cheminement a été maintenu en perfusion grâce l’argent de l’Occident et il est resté donc tributaire du soutien occidental.

  1. Lamine Sall rajouta que le cinéma africain a deux missions : le devoir d’être lui-même et le devoir d’accéder à l’universel. Et notre poète de souligner que nous sommes tous des africains qui ont été déformés par le temps, mais nous n’avons pas de complexes avec l’Occident ou le cinéma du monde. Et si la culture n’est que l’entêtement de vivre, chaque homme doit garder son identité tout en s’ouvrant aux autres cultures.

Pour le poète sénégalais, l’essentiel n’est pas dans l’identité, mais l’important est que les cinémas africains portent le rêve de leurs peuples sur fond d’un cinéma qui réveille les consciences. Le cinéma africain ne peut être un cinéma à part et ne doit être assigné à résidence, il doit être un cinéma universel compris et qui véhicule des valeurs comprises et acceptées, dut-il conclure.

Sail ouvrit les débats en affirmant que tous les films ne naissent pas égaux et que l’identité, c’est comment être soi, c’est comment s’identifier à un film. Le problème, c’est donc comment on peut se situer par rapport à cette chose quasi-complexe qu’on appelle identité.

Plusieurs interventions de l’assistance ont contribué à la richesse des débats et dont on a essayé de retenir relativement ces quelques réflexions :

  • Enrichir la mémoire collective ;

  • Interrogations sur le devenir de nos identités dans ce contexte actuel de la mondialisation ;

  • Définir la véritable tâche du cinéma africain dans la relation entre le cinéma et la problématique de l’identité ou des identités fragmentées;

  • La langue et le système des valeurs et la communication dans le cinéma africain ;

  • Approfondir la sensibilité des cinéastes africains et du public africain ;

  • Aux cinéastes africains de mener le combat pour un cinéma africain qui répond aux attentes des cinéphiles africains.

  1. Noureddine Sail clôt les débats sur l’esprit maïeutique et socratique du FCAK et termina sur cette belle subtilité : « La chenille ne peut pas engager le papillon. »